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Salon du végétal : à la pêche aux idées

La première édition du festival Seve (Scène d'expression végétale éphémère), en septembre dernier à Montpellier (34), a connu un beau succès autour du thème « Un jardin pour tous, un jardin en tout lieu ». La veille, une table-ronde réunissait pourtant l'ensemble de la filière régionale autour de perspectives incertaines.PHOTO : VALÉRIE VIDRIL

« Plongez dans le végétal », quand beaucoup ont du mal à sortir la tête de l'eau : le message du Salon, - du 17 au 19 février, à Angers (49) -, pourrait prêter à rire jaune. En effet, la filière horticole a toutes les raisons de s'inquiéter de la situation actuelle, même si elle a aussi de bonnes raisons de croire en l'avenir.

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Faut-il être optimiste ? Est-ce faire preuve d'ingénuité névrotique que d'imaginer un avenir glorieux pour la filière, lorsque 3 à 4 % des entreprises horticoles disparaissent chaque année, et que le secteur du paysage termine l'année 2014 dans le négatif ? Les premiers résultats 2013 de l'Observatoire des données économiques et financières des exploitations horticoles et pépinières (*) dressent un tableau noir des évolutions entre 2012 et 2013 : baisse du chiffre d'affaires (- 3,4 %), hausse du taux d'endettement moyen, investissements en recul (- 10 %), entreprises fragilisées... « Croissance, marchés, embauches, investissements : tous les indicateurs sont passés au rouge », assène quant à elle l'Unep (les entreprises du paysage) dans son communiqué du 27 janvier, précisant que « la création de jardins et espaces verts connaît une baisse spectaculaire » au deuxième semestre 2014. « On constate une décroissance sur les différents marchés, avec en premier lieu les commandes publiques », précise Catherine Muller, présidente de l'Unep. « Un comble lorsque l'on connaît le plébiscite des Français pour le végétal, tant pour ses vertus en matière de lien social que pour l'amélioration du cadre de vie. »

Bain de verdure, jungle d'intentions, désert d'actions : le paradoxe vert

Le paradoxe est que tout le monde souhaite plonger dans le végétal, mais que ce bain de verdure auquel tout le monde aspire pourrait bien s'assécher avant que quiconque en profite. Alors que les études se multiplient pour dénombrer les bienfaits du végétal et que les citoyens eux-mêmes les apprécient (voir notre dossier paru dans le Lien horticole n° 915 du 4 février 2015, p. 16), il semble que seule la filière se préoccupe de préserver sur notre territoire une production de végétaux, ainsi que d'en encourager l'usage. D'un côté, les responsables d'espaces nature en ville sont conscients du rôle crucial des plantes dans l'agglomération du futur, qui se doit d'être durable ; de l'autre, les commandes publiques connaissent une chute brutale, « crise économique oblige » justifieront nombre d'élus. La commande en baisse des particuliers auprès des entrepreneurs du paysage reflète de la même manière la baisse du pouvoir d'achat des Français. Mais l'érosion de la consommation de plantes résulte d'une diversité de maux supplémentaires : aléas climatiques, prix cassés ou rédhibitoires, manque de temps pour jardiner, concurrence des autres loisirs...

Des frémissements écocitoyens : vers l'ère du changement

De ce tableau si sombre, que peut-on tirer de bon ? Peut-être l'ébauche d'un changement lié à une préoccupation écologique et à une « demande de nature » grandissante au sein de notre société. Avec le plan « Paysages » lancé fin 2014, Ségolène Royal, ministre de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie, engage un programme d'actions en faveur de la reconquête des paysages et de la nature en ville. Déjà, de grandes villes comme Montpellier (34), Paris (75), Rennes (35) ou Nantes (44) prennent à coeur l'intégration du végétal dans la cité, en instaurant par exemple, dans leurs documents d'urbanisme, un pourcentage de végétalisation à respecter. La préservation de la biodiversité n'est pas le moindre des enjeux, et elle passe forcément par la prise en considération des espaces végétalisés, et leur intégration dans les trames vertes et bleues. Dans ce sens, le « coefficient de biotope » introduit par la Loi Alur vise à maintenir ou créer des surfaces non imperméabilisées ou éco-aménageables lors des opérations foncières. Il ne s'agit plus seulement de gérer, après coup, les espaces publics paysagers de manière durable, mais de les concevoir écologiques. Les conférences du Pôle paysage, qui se dérouleront lors du Salon du végétal, dans le hall Ardésia, porteront précisément sur ce sujet. De plus en plus, les citoyens sont incités à s'impliquer dans l'aménagement de leur quartier. Ils sont consultés avant tout nouveau projet, invités à identifier les espaces à végétaliser grâce à une application mobile, à créer et à entretenir des micro-jardins sur leurs trottoirs. Les rapports que les habitants entretiennent avec leur ville changent parce que la société change. De nouveaux concepts apparaissent : la société de partage, le financement participatif, l'économie circulaire, le Do-It-Yourself, la consommation locale, les réseaux sociaux...

Une filière horticole rassemblée mais aussi réinventée

Avec « autant d'entreprises en déclin qu'en développement soutenu », la production réagit diversement à ces changements. Pour l'y aider, FranceAgriMer souhaite la mise en oeuvre d'une « véritable stratégie » pour « accompagner la reconquête de parts de marché ». Les plus pessimistes parleront d'une énième déclaration d'intention... Les travaux menés dans ce cadre sur la démarche de prospective et ses scénarii apportent un vent de nouveauté, pour une échéance 2025 qui semble bien lointaine. À plus court terme, FranceAgriMer lance une réflexion pour les trois années à venir sur quatre thématiques : la performance économique des entreprises et l'adaptation au marché ; l'innovation ; le produit « végétal » (multifonctionnalité, tendances, segmentation...) ; l'environnement végétalisé ou le végétal collectif. « Des groupes de travail techniques, associant des représentants des différentes familles de la filière, FranceAgriMer et des experts en tant que de besoin, seront prochainement constitués, afin de dégager des propositions ».

D'ores et déjà, les chefs d'entreprise soucieux de se « réinventer » trouveront au détour des allées du Salon du végétal 2015, dans le parc des expositions, d'innombrables pistes d'innovation.

Plonger dans la manifestation pour trouver l'inspiration

Les exposants arrivent sur le Salon avec leurs nouveautés végétales, commerciales, produits ou services (voir nos pages spéciales Nouveautés dans ce numéro). Plus que tout, les conférences proposées, notamment celles de l'espace Prospectives végétales, auront à coeur de décrypter les « tendances ». Pour valoriser son produit, le professionnel apprendra comment utiliser les couleurs, quels nouveaux emballages utiliser, comment rendre le végétal « accessible », quel est l'intérêt du « marketing expérientiel ». Pour faire concorder son offre avec la demande, il découvrira les évolutions du jardinage amateur et des modes de vie. Pour innover, on lui expliquera quels leviers activer, à quels nouveaux besoins répondre (énergie, génie végétal, cité jardin, cosmétique, santé...) et comment inventer de nouvelles formes d'alliances. S'allier, se regrouper : c'est peut-être l'enjeu principal de la filière à court terme. Le mouvement est déjà engagé par endroit ; ailleurs, on s'interroge encore (voir le Lien horticole n° 914, du 28 janvier 2015, p. 4, « Se regrouper : un nouvel élan »). L'interprofession Val'hor organisait début février une journée de sensibilisation aux alliances commerciales à Paris. En attendant d'immerger le monde dans le végétal, embarquons donc sur le même bateau...

Valérie Vidril

(*) Présentés à l'occasion du Conseil spécialisé de FranceAgriMer pour la filière des produits de l'horticulture florale et ornementale et les pépinières, qui s'est réuni le 20 janvier 2015, sous la présidence de Jean-Pierre Mariné.

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